Les doigts portés sur les pages de son épistolier favori, l'encre en suivaient l'écriture élongée, prosaïque mais si intrinsèquement mélodieuse. Comme un apparat de vantardise, son regard rivète les dernières lettres adressées à de quelconques amour éberluées, trop enfantines pour en comprendre la nature obsolète de leurs attentions. Une lettre finale pour en briser le fol espoir de lendemains heureux, dont certains chanteront ses louanges les siècles suivants. D'aucuns ne remettent en cause son admiration douteuse pour ce libertin oisif, qui de son propre forfait s'éprend à se divertir de la belle hypocrisie dont il est sujet. A ses yeux le vicomte apporte la seule source de raison dans la mascarade dont il est tenu prisonnier. Une geôle qui aujourd'hui encore retient tant d'êtres synonyme de destruction.

Car la romance guerrière appartient aux archives passées, d'un temps où jadis célébrait-on l'effluves sanguinaires de barbares ambitieux. Les héros d'aujourd'hui incarnent un idéal tout autre, remodelant la sphère humaine de leur impitoyable intellect, et ce toujours dans la constante piétine du plus bas que soi.

Et il se demande, qui des Achilles ou des Valmonts perdureront à travers les âges ? Partage-t-il donc cette analogue ambition de le voir ainsi traverser les époques ?

Rien de cela ne l'intéresse. Son désir le plus cher n'englobe point les âges, le présent amplement lui suffit. Que ses actes imprègnent la mémoire de ses pairs, il ne saurait demander plus que la quiétude d'une divine mère accablée. Ou encore des larmes d'une présence sitôt oubliée, dont il préfère taire l'étrange motivation qui l'anime.

Une démarche fortement rythmée résonne sur le parquet, d'un claquement qu'il reconnaîtrait entre milliers. Sans même en lever le regard, sa suspicion se confirme quand une voix sèche et accusatrice s'enquiert de sa personne. Obtus à son impatience, un temps de silence s'opère avant qu'il ne s'accorde à empirer sa cause.

Comme le ton ironisant lui siée quand il saute pieds joint dans la gueule carnassière de sa geôlière préférée. Bien entendu, rien de ses paroles n'a de sérieuses confessions.

Rien ne saurait mieux décrier satisfaction que le rictus désœuvré de sa chère cousine dont le tempérament d'ordinaire si patient  approchait sensiblement du gouffre. Trouvant son expression bien belle, il l'imaginait alors grimaçant comme si l'infect goût d'une prune trop acide en violait l'intérieur de la bouche et lui piquait la langue. Elle était d'une tendresse comparable aux gladiateurs d'antan, ruisselant de la sueur ensanglantée d'adversaires moins fortunés, aux fortes senteurs viriles du corps poussé jusque dans ses derniers retranchements... Pondérant un moment, il se garda bien de mentionner qu'en posant les yeux sur la fleur de Zeus sa première pensée ne fut que celle de combattants grossiers et malodorants. Faisant mine de réfléchir, il s'adossa contre le dos de sa chaise avant de n'en croiser les bras sur sa première incompréhension.

Il soupire de cette conversation stagnante, circulaire et sans issue. Parfois, il en vient même à se demander si l'âme pestiférant de sa divine mère n'en anime sa bouche que pour mieux le hanter. Et presque machinalement il ne s'empêche à le lui rendre cette exaspération.

Les yeux roulent par l'insidieux déjà-vu que provoque cette conversation maintes fois déjà enclenchée. Il la regarde de son éternel expression juvénile, par un air d'enfant grondé qu'aucune parole ne saurait atteindre et qui déjà contemple son méfait prochain.
Le sourire est radieux, car les idées lui viennent volontiers durant les remontrances de sa tendre ainée. Mais là n'était ni le moment ni la personne pour en partager les fruits.

Le ton enjoué de son ironie vient prendre à cran sa patience, il le sait et s'en moque car il est las d'interminables sermons sur la personne qu'il faille être pour mieux servir leurs quelques intérêts.

Du visage brillant de joie et malice il n'en échappe désormais qu'une expression froidement sérieuse.

Inspirant un grand coup, ses poumons le brûlent avec insistance tandis qu'il reprend un rythme plus propice à sa désinvolture naturelle.