didascalie

10/03/2021

didascalieNatanaël & Ludmila

Trois coups frappés contre le sol lourdement.
Les voix amplifiées ; statures magistrales ; la scène à son apogée s'éternise, en suspends à un pic des plus importants ; l'un des acteurs bégaie.

Sa chemise était boutonnée jusqu'à son cou et rentrée dans une jupe en feutre noir. Un corset lacé enserrait sa taille fine et ses longs doigts aux ongles taillés étaient déposés sur ses jambes raides. Son dos était droit, son menton relevé ; Ludmila était empreinte de la même rigueur qui caractérisait chacun des actes de sa vie ; et le regard déposé sur la scène, elle ne faisait pas un bruit.

Lorsque les acteurs s'agitèrent à rassembler leurs affaires et se disperser, Ludmila leva son poignet, laissa échouer ses yeux teints d'une perplexité visible sur la montre dorée qui y était accrochée. La répétition fut de courte durée, et certains des membres de la troupe semblaient exaspérés. Les bégaiements n'étaient sans doute que peu appréciés.

Elle releva la tête lorsque son hôte engagea un pas vers elle.
Se leva de son siège pour le rejoindre, dans des mouvements mesurés ; ne saurait se débarrasser de son habituel raffinement.

« S'est-il passé quelque chose ? »

Arrivée à sa hauteur, son regard se déposa par-dessus son épaule, sans doute pour interroger la scène qui lui aurait éventuellement dévoilé la réponse avant qu'il ne la lui donne.

Elle s'habilla d'un sourire chaste, et son regard finissait sa route dans le sien.

« Bonjour, au fait. »

11/05/2021

DIDASCALIE Natanaël & Ludmila

Diriger une troupe de théâtre avait ça de fatiguant qu’il était souvent confronté à des individus incapables de suivre une direction, qu’elle soit artistique ou simplement logique.
Chaque énergumène étant présent sur cette scène pour profiter de la lumière et des applaudissements, marquer de son empreinte un instant furtif qui pouvait malgré tout hanté toute une vie.
Exception faite en la personne de Sohel, vraisemblablement plus emballé à l’idée de jouer des muscles que jouer des mots.
En cela, Natanaël regrettait presque de perdre son temps dans des répétitions.
S’il faisait preuve de rigueur avec eux, ce n’était pas par amour de la pièce qu’ils s’apprêtaient à saccager par manque de talent, mais simplement pour ne pas être associé à l’humiliation d’un fiasco complet.
Quand bien même il mettait un point d’honneur à entretenir son image de marque, certains membres de la troupe avaient eu tout le loisir d’assister à plusieurs déchaînements de colère.
On attribuait ce genre d’écart à la passion qu’il l’animait, il était en réalité plus lui-même dans ces moments que lorsqu’il se dissimulait derrière son sourire horripilant.
Et le regard qu’il adressait au malheureux incapable de répéter son texte sans balbutier était sans équivoque : il s’occuperait de lui plus tard et ferait en sorte que cet acteur indigne ne le couvre pas d’embaras lors de la représentation.
Même si pour cela il devait le faire répéter, seul à seul, des heures durant.
Des jours.

Lorsque la troupe s’apprête à débarrasser l'amphithéâtre faisant office de scène de fortune, son regard se promène dans les gradins.
Aperçoit Ludmila, ravi qu’elle daigne répondre à son invitation.
S’il aurait apprécié pouvoir faire étalage de tout son talent à cette occasion, il devrait malheureusement se contenter de la prestation pathétique de l’un de ses acteurs et d’une répétition bien trop courte pour être qualifiée véritablement d'entraînement.
Une fois à sa hauteur, elle le questionne sur ce qui venait de se passer.
Une infâme saloperie a essayé de saboter mon image. - pensa-t-il un instant.

« Ludmila, QUEL PLAISIR DE VOIR QUE TU AS PU TE LIBÉRER. »

Adresse un rapide geste de tête à la troupe sur le départ.
Un sourire factice qui étire les lèvres.

« La fatigue nous a poussé à écourter la répétition. Rien de très grave, en somme. »

Dépose ses mains sur les épaules de sa comparse.

« ALORS, comment se porte la fille favorite du grand Zeus ? »

10/03/2021

didascalieNatanaël & Ludmila

Aucune démesure ne saurait habiter leurs échanges. Rien ne dépassait des coutures, aucun pli sur la chemise ou le visage, tout était à sa place.
Il était poli, souriant, avenant.
En somme un échange un peu mort comparé aux tempêtes habituelles.

Parfois, Ludmila se demandait si elle était devenue imperméable aux rapports humains normaux à force de côtoyer des phénomènes de foire ou si ces rapports-là étaient justement caractérisés par leur côté stérile et qu'ils ne lui avaient jamais vraiment convenus.

Elle avait haussé les épaules.

« J'imagine que c'est facile d'être la préférée quand on est la seule. »

Elle avait reculé d'un pas et son regard avait échoué plus bas où la troupe, bientôt, n'était plus.

« Je vais bien. »

Les grandes autoroutes du mensonge banalisé ; celles qu'on emprunte quand on n'autorise pas la moindre intimité - proximité.

« J'imagine que tu ne pensais pas arrêter la répétition si tôt, si ? »

Sinon pourquoi lui aurait-il demandé de venir ?
Ludmila n'aimait pas attendre des réponses trop longtemps.
N'aimait pas les banalités échangées en attente du vrai propos.
Elle aimait les choses claires, carrées, concises, directes. Et s'arrangeait pour les avoir.

« Pourquoi m'as-tu invitée ? Tu avais quelque chose à me dire ? »

11/05/2021

DIDASCALIE Natanaël & Ludmila

Répond lui aussi par un haussement d’épaule, devant l’évidence de ses propos.
Le fait qu’elle soit l’unique fille de Zeus n’était pas réellement ce qu’il souhaitait mettre en lumière, avec cette provocation finalement bien trop timide.
Et il aurait dû le prévoir, Ludmila n’était pas une personne qui se laissait convaincre par des faux semblants ou des insinuations.
Un discours clair et concis était à favoriser, lorsque l’on s’adressait à elle.
Tout le contraire de son frère qui, lui, adorait se baigner dans les éloges outrancières.
Le sourire à ses lèvres se faisait plus sincère, ravi de pouvoir faire preuve d’un peu moins de subtilité dans sa mise en scène.
Lorsqu’elle évoque la conclusion prématurée de la répétition, le fils d’Apollon laisse un rire bruyant - mais non moins élégant - s’évader d’entre ses lèvres.

« En effet, je pensais pouvoir faire étalage de mes talents face à toi avant de devoir mettre fin à la répétition. Une autre fois, j’imagine. »

Mais elle le confirme une nouvelle fois, la fille de Zeus n’était pas venue pour se perdre en palabres.
Prend rapidement le contrôle de l’échange, oriente la discussion.
A n’en pas douter, cette manière de s’imposer avec tant d’aisance face au charme de Natanaël confirmait son ascendance au charismatique Zeus.
Résigné à ne pouvoir jouer de son éloquence pour prendre le dessus, c’est avec une sincérité tranchante qu’il reprend la parole.

« A te dire ? Non, je ne crois pas. A te demander, par contre… »

Enfonce sa main dans ses cheveux, à l’arrière de sa tête.
Hausse un sourcil, feint la gêne.

« Est-ce que tu penses que Celyan est le plus à même de diriger la faction Héraclès ? Pourquoi est-ce que tu acceptes cette place de numéro deux sans broncher ? »

10/03/2021

didascalieNatanaël & Ludmila

Un hochement de tête distinct agita ses cheveux, légèrement, témoignant de son nouvel enclin à discuter depuis que Natanaël avait daigné laisser tomber les futilités qui l'encombraient habituellement.

La malhonnêteté la mettait mal à l'aise.
Mentez-moi mais mentez-moi mieux.
Le problème n'était pas qu'on la trompe mais qu'on la fasse tourner en rond.

Alors tout à coup, son visage redevint plus ouvert, son sourire plus sincère, et elle sembla plus attentive à ce qu'il avait à lui dire ;
Lui demander, précisait-il.

« Pardon ? »

Elle haussa les sourcils, vraisemblablement perplexe quant à ses suppositions hâtives. Ludmila afficha un sourire circonspect, partagé entre le rire et l'incompréhension. S'agissait-il d'un genre de plaisanterie ?

« Je ne crois pas avoir un jour supposé être numéro deux. »

Elle avait croisé ses mains devant elle, l'allure toujours parfaitement droite, et pencha légèrement la tête - à peine.

« Je suis d'ailleurs étonnée que tu t'imagines inférieur à moi, Natanaël. »

Loin d'elle l'idée de considérer qu'il était un vantard - ou quoi que ce soit de ce genre-là. Mais elle supposait que tout Héraclès qui se respecte avait cette fâcheuse tendance à se croire meilleur que les autres.

« Je ne pense rien. »

Tenta de lui donner la réponse la plus honnête possible.

« A vrai dire, ce n'est pas à moi de décider qui est le ou la plus apte à diriger notre faction. Si Celyan en est à la tête, ça ne relève que de la volonté de notre Père. Il n'aurait laissé personne qu'il aurait jugé inapte le représenter sur le Camp, tu ne crois pas ? »

Ludmila était trop fidèle pour avoir des ambitions. Avait trop confiance pour se dédouaner de l'opinion de ses pairs.

« Je ne me permettrais pas de douter de son jugement. Il sait mieux que moi qui est le plus apte à porter son message. »

Mais quelque chose la froissa.

« Ai-je donné l'impression de vouloir la place de mon frère ? »

S'inquiéta d'avoir été mauvaise ; ou d'en avoir eu l'air.

« Si c'est le cas, je m'assurerai auprès de Celyan qu'il n'ait pas, lui aussi, mal interprété mon attitude. Je ne veux pas laisser transparaître une image vulnérable de notre faction. »

Une faction désunie par une fratrie en pleine rivalité était forcément un signe de faiblesse et une porte ouverte aux assaillants.
Et aux traîtres.

11/05/2021

DIDASCALIE Natanaël & Ludmila

Du discours et des réactions de Ludmila transpirait une loyauté et une admiration sans borne pour celui dont elle était issue.
Le Dieu des Dieux avait visiblement hérité de deux beaux enfants, tant ils étaient complices dans cette certitude selon laquelle Zeus était voué à régner jusqu’à la fin des temps.
Ne pas remettre en cause les décisions de son père n’avait rien d’étonnant, quand on s’était suffisamment renseigné sur les Phosaeon pour savoir combien le maître de l’Olympe demeurait parfaitement incontesté au sein du clan.
Et Ludmila était la représentation foudroyante de cet état de fait : Zeus était immuable et ses décisions indiscutables.
Natanaël qui s’était toujours imaginé que la chute de Celyan résidait dans sa relation avec sa soeur avait été bien mal avisé de sous-estimer l’importance qu’apportait cette dernière à demeurer droite et digne en toute circonstance, même dans ce semblant d’intimité qu’il pensait avoir noué avec elle depuis son intégration chez les Héraclès.
Car elle avait bien raison : une dissension trop explicite entre les deux enfants de Zeus pourrait porter un coup suffisant aux Héraclès pour permettre à la faction Argus de prendre le dessus.
De fait, il était nécessaire de changer son approche.
Plutôt que de la bousculer dans ses croyances, il serait peut-être plus pertinent de questionner son dévouement.
Un conflit pour la domination sur les Héraclès n’aurait probablement jamais lieu.
Mais si la cause du conflit entre les deux enfants de Zeus n’était pas Héraclès mais bien Zeus lui-même ?

Il agite les mains, imitant du mieux qu’il le pouvait un rire nerveux, il reprend avec une pointe d’embarras dans la voix.

« Oh Ludmila, je t’en prie, ce n’est pas ce que je voulais exprimer ! Peut-être que c’est de ma faute, j’ai mélangé les sujets. Lorsque je parlais de “numéro deux”, je n'évoquais pas vraiment ta place chez Héraclès. »

Dépose ses poings contre ses hanches, affiche un sourire hypocrite.

« S’il est vrai que je me questionnais sur ta position vis-à-vis du commandement de Celyan, sache que tu n’as jamais laissé transparaître la moindre forme d’amertume envers lui ! Du moins, pas à ma connaissance. Pour être tout à fait honnête, je trouve tout simplement que quelque chose ne colle pas, avec ce que tu dis. »

Prend son menton entre son pouce et son index, fait mine de réfléchir.

« Quand je parle de numéro deux, je parle surtout de ta position envers Celyan. Tu as vraiment l’air d’admirer et d’aimer le grand Zeus, c’est la raison qui me pousse à me demander : pourquoi est-ce qu’elle n’essaye pas de faire plus ? De porter haut les couleurs de son père ? Ça peut sembler immature de ma part mais, si j’étais à ta place, je ferais tout pour satisfaire Zeus. Pour être le centre de son attention, si tu vois ce que je veux dire. »

Hausse les épaules, l’air désintéressé, ses mains se balancent en avant comme pour exprimer la futilité de sa réflexion.

« Mais je suppose que tu as raison, si Zeus a jugé que tu étais indigne d’être porteuse de son message, qui de mieux que lui pour prendre cette décision ? Il y a ceux qui prennent les décisions et ceux qui suivent. A vrai dire, je respecte ta dévotion. S’effacer au profit de quelqu’un de plus lumineux que soi est un geste digne. En plus, j’ai toujours trouvé une forme de poésie dans l’abandon. Oublies ce que j’ai dis. »

10/03/2021

didascalieNatanaël & Ludmila

Si Ludmila avait repris de la vivacité et des couleurs, la suite du discours de son vis-à-vis eut immédiatement l'effet inverse. Une amertume coula dans sa gorge et de sa colonne vertébrale à ses épaules, elle se raidit. Son regard était froid et ses mâchoires serrées.

« Est-ce qu'un seul jour dans ma vie je vais pouvoir passer une journée tranquille sans que le premier venu se permette de critiquer mon père et faire des suppositions absurdes à propos de ma loyauté, mon devoir ou mes sentiments ? »

Elle leva les yeux au ciel.

« Je ne crois pas que mon père m'aime et je n'ai pas besoin qu'il le fasse. Cela te convient ? »

Ca ne l'avait pas empêché de lui être fidèle.
Avoir un mauvais père ne la dispensait pas d'être une fille exemplaire.
Excusait tous les manquements qu'il eut en tant que père en supposant qu'il avait déjà beaucoup à faire en tant que Roi.
Que tous les cadeaux et les privilèges qu'elle avait lui suffisaient à ne pas être ingrate.

« J'imagine que tu es certainement le mieux placé pour donner ton avis sur ma relation avec un parent dont tu ne sais rien sinon ce qu'on en dit, pas vrai ? Tu dois sûrement être un expert en relation père-fille. Merci de me bénir de ton savoir, j'hésitais justement à te demander ton avis. »

Son regard était mauvais.

« Ne te permets pas de parler ni en mon nom ni en celui de Celyan, encore moins en celui de notre Père. »

Elle aboyait, la chienne.

« Je t'aime bien, Natanaël. Mais j'en ai ma claque d'entendre tous les jours les interprétations égocentrées de tous les ingrats de ce maudit camp. Si vous avez des problèmes avec vos parents allez les régler mais arrêtez de tout projeter sur moi, ça me pompe l'air. Je ne crois pas être numéro deux, parce que je ne crois pas qu'il y ai de numéro. Je ne crois pas devoir faire mieux pour être choisie, tout simplement parce que ce n'est pas ma place. Et je me porte très bien, merci beaucoup. »

11/05/2021

DIDASCALIE Natanaël & Ludmila

Il était rare qu’il obtienne de Ludmila une réaction aussi brutale.
D’aucun aurait pu résumer analyser la scène comme étant simplement une remise à sa place de Natanaël.
Mais il voyait au-delà de cela : elle avait laissé s’exprimer sa colère.
Et ça avait son importance, car il voyait en cela une avancée de sa part dans la psyché de Ludmila.
Si elle lui paraissait encore trop complexe pour affirmer quoi que ce soit à son sujet, il n’en était pas moins convaincu que son rapport à son père était le meilleur moyen de l’atteindre.
Pourtant, derrière l’apparente colère, restait cette imperturbable loyauté.
La fille de Zeus n’avait rien d’un pion qu’on pouvait déplacer à sa guise, sa volonté était bien trop forte pour se plier aux mots du dramaturge.
S’il pensait s’attirer ses faveurs, se présenter à ses yeux comme un conseiller fiable, il devrait se contenter de cette défaite et l’excès de colère qui l’accompagne.
Pas vraiment satisfait du déroulement de la discussion, une direction se dessinait malgré tout.
Mais maintenant qu’il avait un pied dans la porte, il devait en profiter pour faire extérioriser le plus de frustration possible.
Peut-être trouverait-il un moyen de tourner son amertume à son avantage ?

« Excuse moi, Ludmila, je ne savais pas que d’autres personnes se permettaient de questionner ta relation avec ton père. Si j’ai donné l’impression de parler à la place de l’un de vous trois, ce n’était pas mon intention. Je me demandais simplement ce que ça faisait d’être… Vous. »

Dépose sa main contre son torse, théâtrale, il agite son bras pour désigner l’estrade de l’amphithéâtre qui faisait office de scène il y a quelques minutes.

« Ici, sur cette scène, le jugement est proscrit ! Après tout, nous n’avons pas tous la chance d’obtenir le premier rôle de la pièce. Parfois, on est voué à n’être que le souffleur. Que tu l’acceptes sans rien demander en retour, ÇA, c’est de l’abnégation ! »

Penche sa tête sur le côté, un peu d’espièglerie dans le regard.

« J’ai vraiment du respect pour ça, tu sais. Moi, je sais que j’en serais incapable. J’aime être le centre de l’attention, ça doit se voir. Je ne cherche pas à te blesser, je pensais simplement que nous pouvions discuter à coeur ouvert, sans s’encombrer des ronds de jambe. »

Pourtant il avait accepté de jouer l’homme de l’ombre, en attendant sa chance.

« Moi je t’adore, Ludmila. Et je partage ton idée selon laquelle chacun doit rester à sa place. Si seulement tout le monde pouvait être aussi heureux que toi. »

Puisque tu prétends l’être.

10/03/2021

didascalieNatanaël & Ludmila

g édité ss faire exprès lol

en gros :
elle se calme
mais reste malaise.tv
sois sincère avec moi stp pourquoi est-ce que tu m'as invitée à te regarder faire ta scène
est-ce que t'essaies de m'humilier pcq jcomprends pas tes intentions là jui duper
hopidi hop je fais le yoyo des sentiments entre la tranquilité et la colère et le malaise et la honte et mode auto-défense activé je suis .
très .
tendue .

11/05/2021

DIDASCALIE Natanaël & Ludmila

Quand bien même la fille de Zeus s’était laissée emportée dans un excès de colère, Natanaël fut surpris de constater à quelle vitesse elle avait été capable de reprendre son calme.
Faisant toujours preuve d’une rigueur respectable, à l’image d’un enfant du Dieu des Dieux, elle frôlait la perfection.
L’enfant d’Apollon ne pouvait s’empêcher de ressentir une sorte de frustration, alors que l’ensemble de ses provocations semblait s’écraser contre sa dignité et sa droiture.
Elle avait extériorisé, oui.
Mais n’était tombée dans aucun piège tendu par le dramaturge.
S’il aurait aimé se conforter dans l’hypothèse où il s’était montré trop subtil dans le discours sous-jacent qu’il apportait, il n’en était rien et sa dernière phrase en témoignait.
Est-ce que tu essaies de m’humilier ?
Dans un mouvement imperceptible, la mâchoire se resserre.
Essayer ? Pauvre conne, si je voulais t’humilier, je le ferais devant tout le monde. - pense-t-il, vexé à l’idée qu’elle puisse souligner l’un de ses échecs.
Garde contenance, malgré tout.
Se devait d’être plus malin.
Et trouver une porte de sortie, étant visiblement incapable d’attiser une haine apparemment absente chez la jeune femme.

« Tu vois des ennemis partout, n’est-ce pas ? C’est ironique de demander de la sincérité après avoir affirmé que tu ne voulais plus parler à cœur ouvert. Tu ne vas pas t’énerver à nouveau, au moins ? Enfin, cette situation est certainement de ma faute alors pour m’excuser, je vais être sincère. »

Croise les bras, lève les yeux vers le ciel.

« En vérité, lorsque j’ai intégré Héraclès, je t’admirais. Tout le monde n’avait d’yeux que pour Celyan, mais moi, c’est toi que j’ai toujours observé. »

Feint un ricanement.

« Ne te méprend pas, je pense que Celyan aussi est un être exceptionnel. Il est rayonnant, à l’image du grand Zeus. Mais tu es différente. Tu es loyale, intelligente, puissante et imperturbable. Tu n’as peut-être pas le charisme de ton frère, mais j’ai toujours pensé que tu serais la raison pour laquelle Héraclès l’emporterait sur Argus. »

Écarte les bras, hausse la voix.

« Tu sais, j’ai même quitté mon poste de chef du pavillon d’Apollon pour vous rejoindre. Ce n’était pas par bonté de coeur, bien sûr. Mais légitimement, je me suis posé la question : lequel des enfants de Zeus méritait le plus d’être notre emblème et de nous décrocher la victoire ? Celui à qui on avait tout offert depuis la naissance ou bien celui qui travaillait dans l’ombre à notre réussite ? Tu comprends, après tout ce que j’ai abandonné, je n’ai pas très envie de tout perdre. »

Dépose ses mains contre ses joues.

« Et ça m’a frappé : qui avait pris cette décision et pourquoi ? Pire encore, est-ce que tu as eu un jour ton mot à dire concernant cette décision ? Alors, j’ai voulu te poser la question. Et tu as répondu. »

Hausse les épaules, balance sa tête de gauche à droite, affiche un air dépité.

« Pire encore, lorsque j’ai essayé de trouver une forme de poésie et d’abnégation dans tes propos, tu m’as accusé de vouloir t’humilier. Alors maintenant, j’ai compris. »

Ancre son regard dans le sien.

« C’est pas grave. Après tout, ça te concerne. Je voulais juste en savoir plus sur toi. »

10/03/2021

didascalieNatanaël & Ludmila

Chute libre ; et il la rattrapait systématiquement avant que ses émotions ne se fracassent au sol, lâchés si haut qu'ils avaient pris de la vitesse ; s'étaient arrêtés sèchement ; reprenaient lentement leur ascension en suivant les consignes d'un chef d'orchestre invisible.

Ludmila n'avait pas peur des hauteurs, mais entre les mains de Natanaël, elle pouvait ressentir le vertige.
Sans savoir que l'ennemi n'était pas l'inconstance de ses émotions (pas elle qui était fautive d'être trop émotive ; trop impulsive) mais celui qui les instiguait.

Sentait le malaise sans l'identifier.

Tu sais, j’ai même quitté mon poste de chef du pavillon d’Apollon pour vous rejoindre.
Tu comprends, après tout ce que j’ai abandonné, je n’ai pas très envie de tout perdre.

« Natanaël. »

Sa voix était froide. Son regard dur.

« Nous ne te sommes pas redevables des sacrifices que tu as fait pour rejoindre notre faction. Nous ne t'avons rien demandé. Et tu les as faits par choix. Par conviction, quelles qu'elles soient. »

Ludmila n'était pas passionnée par la politique ; un monde de menteurs et d'opportunistes qui agissaient et choisissaient des positions par intérêt personnel plutôt que par conviction - ou par intérêt commun. Si Natanaël choisissait les Héraclès et voulait qu'on l'en remercie, il était mal tombé. Ludmila ne faisait que peu de courbettes.

« Comme je n'ai jamais eu besoin de pitié, de reconnaissance ou de flatteries. »

Elle était venue pour passer du temps avec son ami ; pas le perdre.
Avaient-ils seulement été amis un jour ?
Comment leurs rapports avaient pu être agréables jusqu'à présent ?
Avait-il toujours été désobligeant de la sorte, et elle était seulement aveugle ?

« Je suis désolée si tu considères avoir perdu au change, ou si tu crains que mes méthodes ne soient pas les bonnes. Mais sois sûr que si ton objectif est le même que le nôtre, nous ne perdrons pas. Celyan est sans doute imparfait. »

Même s'il était lui-même persuadé du contraire, Ludmila était loin d'être dupe quant à ses travers.

« Mais c'est pour ça que je suis là. Et je ne manquerai pas à mon devoir envers lui, et envers Héraclès. »

Elle avait toujours pris son rôle très à cœur.
Celui de protéger ; de servir.

« Cette place est la mienne. Il ne s'agit pas d'être le premier rôle. Nous ne jouons pas une pièce de théâtre. Je me fiche des projecteurs et des paillettes. Je veux qu'on vainque. Et on vaincra. Avec Celyan à notre tête si c'est le plan de Ton Roi. Et la place que j'occupe est aussi importante que celle-là. »

Devoir et honneur.

« Et je te souhaite de trouver ta place. »

Pratiquement comme un ordre donné.

11/05/2021

DIDASCALIE Natanaël & Ludmila

La gorge sèche des belles paroles, des mensonges.
Il affrontait le regard dur de sa comparse avec une indifférence propre à celle d’un esprit vagabond, complètement désintéressé.
Et ce désintérêt n’était pas tant adressé au fait qu’elle refusait de tomber dans ses pièges qu’à l'entièreté de son propos.
S’il avait toujours trouvé la dignité dont était imprégnée la fille de Zeus particulièrement enchanteresse, cette loyauté poussée à l’excès le rendait particulièrement irritable.
Tolérait les beaux discours qu’il prononçait car il était parfaitement conscient du mensonge dans lequel il se drapait, du poison dont était imprégné ses mots.
Sa certitude selon laquelle Héraclès allait vaincre dans cette opposition, pour le plus grand plaisir du “Roi”.
Supporte mal l’échec, particulièrement lorsqu’il lui était infligé par une femme vraisemblablement dénuée de toute forme d’ambition vis-à-vis de sa propre position.
S’il était nécessaire de s’entourer de ce genre de personnes pour occuper soi-même le trône, une attitude pareille venant de l’enfant du Dieu des Dieux lui paraissait aussi lâche que minable.
Mais il devait bien lui accorder : lorsqu’elle s’accrochait à ses principes, elle ne faisait pas semblant.
Et lors de cet échange, il n’a eu de cesse que de perdre du terrain.
Pris d’un élan de colère, ses yeux se révulsent alors qu’il tente de contenir un faible tremblement.
Mon devoir envers lui et Héraclès.
Cette place est la mienne.
Lui qui n’avait pour seule ambition que de s’élever était parfaitement incapable de comprendre cette philosophie de servitude.
Et cette incompréhension l’agaçait presque autant que la défaite représentée par cette discussion.
Peine à conserver sa contenance, maintenir le masque.
Nous ne jouons pas une pièce de théâtre.
Oh que si.

Son visage reprend lentement son expression calme et décontractée.
L’air joyeux, il reprend.

« Tu as certainement raison, Ludmila. Je m’en fait beaucoup trop. Si tu es convaincue de notre victoire, alors je n’ai aucune raison de m’en faire. Merci d’avoir répondu à mes questions, j’ai conscience d’avoir été très indélicat envers toi. »

Touche son épaule du bout du doigt.

« La victoire d’Héraclès me tient sincèrement à cœur et je suis du genre… Passionné ? Je crois que c’est le terme, HAH. »

Porte sa main à son visage, prend à nouveau son menton entre ses doigts.

« D’ailleurs, à ce sujet, je n’ai pas été informé de nos prochaines manœuvres concernant les Argus ? Vous auriez trouvé un nouveau stratège ? »

10/03/2021

didascalieNatanaël & Ludmila

Le regard rivé sur son visage ; les expressions qui le traversent la font reculer d'un pas, plus par réflexe que réellement consciemment.
Un courant froid glisse sur sa colonne vertébrale.
L'impression d'avoir échoué quelque part.

Elle baissa les yeux.
Chaque fois qu'il passait d'un côté à l'autre de ses humeurs, il la perdait un peu plus.
La faisait s'adoucir ; oublier pourquoi elle était devenue amère.
Rendait imperceptibles les sentiments qui l'avaient habitée juste avant ; avaient-ils été réels ?

Elle lui adressa la moitié d'un sourire.

« Non. »

Elle secoua la tête, consentit au fait qu'elle n'était pas claire.

« Je veux dire, c'est moi. Je suis à fleur de peau depuis une semaine et... »

Tentait de justifier cette nouvelle dysphorie.

« Tu crois que je deviens paranoïaque ? »

S'habilla d'un rire léger et bref.

« Chaque fois que quelqu'un me parle de Celyan, de mon père, des Héraclès, de mes sentiments... »

Elle haussa les épaules.

« Peu importe. Je ne voulais pas t'interpréter de travers. Si tu as été indélicat, j'ai aussi été plus susceptible que je n'aurais du. »

Elle sembla pensive à sa prochaine remarque.

« Celyan se préoccupe davantage de son image que de son devoir. »

Avait échappé cela ; ne se serait pas permis de le démonter, mais il fallait admettre que si Héraclès était à un point mort et inactif, c'était bien parce qu'ils n'avaient pas de chef tangible.

« Et je n'ai pas été très présente ces derniers jours. »

Mais bien sûr ce n'était pas la faute de Celyan, mais la sienne, à Ludmila. D'avoir été faillible encore une fois.

« J'avais... Des préoccupations plus personnelles. »

Se rendait compte par ce discours qu'elle avait manqué à son devoir.

« Mais tu as raison. Il faut que l'on s'organise. J'en toucherai un mot à mon frère. »

» lacrimosa | Otello + Ludmila
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» l'amer de sa voix | Jan + Ludmila

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