Cette compétition, c'était une tradition. Et, comme toutes les tradition, Silenyas n'en avait strictement rien à faire. Pire, encore, il tendait à trouver ces jeux idiots et les participants abrutis par l'adrénaline. Il y avait sûrement une pointe de jalousie dans ce point de vu, après tout, face à ces être si beaux, si jeunes, si fort, il n'était qu'une vieille chèvre.

Enfin, toujours est-il qu'il se tenait là, tout en haut du mur de lave. Croisant les bras, il pencha un oeil par dessus son perchoir, constatant non sans une angoisse refoulée à quel point il était haut et à quel point il lui serait aisé de tomber. Quelle idée ! Il n'aurait pas put arbitrer une petite prairie, plutôt ?
La chaleur l'étouffait et après un ravalage de salive discret, il grogna légèrement. C'est qu'il reconnu sans mal le concourant en bas, qui venait tout juste de freiner ses adversaires façon barbecue de fin de Dimanche. Isaac Da Connard, un petit con comme on en fait plus et s'il n'était, aujourd'hui, pas la cible de la colère de ce garnement, la hargne qu'il mit dans son départ lui arracha un frisson.

Tsk ! Il n'allait pas gagner. Silenyas ne le voulait pas - notamment car le voir remporter une victoire, quelle qu'elle soit le faisait particulièrement chier. Mais Silenyas était un arbitre et un arbitre se doit de ne pas interférer ! D'autant plus que le compagnon - d'infortune - de notre Isaac était un gosse d'Arès que le vieux bouc connaissait à peine. Il ne l'avait jamais vraiment remarquer, mais il savait qu'il n'était pas du genre trop vantard ou trop arrogant, ce qui, en un sens, lui attirait au moins l'indifférence de Silenyas.

Quant aux deux autres, s'il ne les connaissait que trop peu, Silenyas avait une sale impression sur Aaron qu'il se garda d'exprimer. De toute évidence, aucun des trois autres ne méritait plus de perdre qu'Isaac.

« LA FERME ! Je SUIS fils d'Hestia et petit fils de Kronos !! » Silenyas sursauta aux récriassions de sa némésis. Le regard fou, il faisait sincèrement peur et le vieux satyre, craignant étrangement pour sa vie, n'osa rien répondre. Alors, Isaac poursuivit :« Et si les putains de dieux nous ont nerfé, c'est qu'ils savent qu'on- »

Le cri, accompagné d'une délicieuse odeur de chair brûlée qui envahit l'air autours de lui lui arracha un frisson d'effroi. Il déglutit, immobile, le satyre, fixant le fin d'adolescent qui venait de se brûler. De là d'où il était, lui-même pouvait sentir la discorde emplir également l'espace, il n'ignorait donc pas quel genre d'influence avait Gab' sur l'autre tas de muscle.

Et puis, tout se déroula très vite sous ses yeux. La lueur orangée, vive, qui teinta un instant la roche du mur déjà brûlant arriva à lui dans un vrombissement rugit. Silenyas eut le bon reflexe de reculer, ou plutôt de tomber en arrière, se rattrapant avec les coudes. Surpris, toujours, il observa la flamme avant qu'elle ne disparaisse, ou plutôt le tourbillon et puis, continua de la fixer même une fois qu'elle s'eut évaporer dans l'air.
Son souffle se fit rapide, son esprit, confus. Il ne savait s'il devait arrêter l'épreuve dès maintenant, de sorte à sauvegarder ce qu'il restait de la santé mentale d'Isaac... Mais comme il ne s'était rien passé de vraiment grave-.

« Alors là... Fais attention qu-! Non mai-... Alors- FFfffhhhhfffh! Calme toi Gabin... Crâmer l-la...La chèvre là! (pourquoi pas), cramer moi... Bon euh...- non! Soit! MAIS cramer Truc ?? Jamais ! » A quatre pattes, Silenyas tout tremblant, comme un agneau à peine né, passa une nouvelle fois la tête vers le vide si profond pour poser les yeux sur le chouinard, plus bas. La discorde remontait déjà jusqu'à lui et il releva le coin supérieur de sa lèvre dans une grimace.

Il voulait que tout soit finit, vraiment.

« Tu penses qu’il est jaloux ? Il ne me mérite pas alors il cherche à t’empêcher de m’avoir. Tu ne vas pas le laisser me faire du mal… Pas vrai mon chou ? »

Silenyas glissa un oeil toujours aussi craintif sur le fils trop confiant. Il plissa les yeux. Ne pouvait-il pas arrêter de les provoquer ? La discorde, les flammes, il allait finir par s'en prendre dans la gueule et à ce moment là c'est lui qui serait chargé de venir les séparer ! Ou ramasser les morceaux.
Et dieu qu'il ne s'en sentait capable ni de l'un, ni de l'autre.

« Mais quel con-... » Pesta-t-il, restant bien à l'abris sur son perchoir.

Distrait, le bouc n'avait pas prit conscience de la lave qui, lentement, glissait vers le dernier des joueurs. Mais après tout, ce n'était pas à lui de les surveiller. Si ?

L'odeur du danger empli jusqu'à l'estomac du satyre qui, les entrailles nouées, n'osa simplement pas bouger. Figé sur son mur de lave, toujours légèrement penché vers le bas, ses yeux se posèrent sur les deux hommes bêtes qui exprimèrent de concert leur goulûses intentions. L'un d'eux saisit la jambe de Mana'arii,  l'envoya sur Gabin et Silenyas ne fut même pas en étant de constater l'état physique des deux demi-dieux qu'il avait à sa charge.
S'il devait les protéger, et bien il n'en était pas capable. Satyre, oui, mais fuyard avant tout et il n'avait jamais vraiment choisit de combattre les créatures qui en voulait aux fils du panthéon. Généralement, il se contentait de les aider à se faire la malle et même s'il lui était arriver d'en venir aux mains, ici, il n'y avait strictement rien pour aider ses pouvoirs de foutu dieu mineur.

De toute façon, il était toujours sous le choc de voir de telles créatures ici et, fixant bêtement le centaure en bas, il poussa un cri de fillette en constatant que le second commençait à le rejoindre, grimpant avec une agilité qu'il ne lui soupçonnait guère.
L'homme chèvre tremblait comme une feuille et il ouvrit la bouche. Il ne comprenait pas, simplement :

« Vous êtes pas sensés pouvoir-... Comment ?! » Chouina-t-il.

Il avait bonne mine, l'arbitre.
Au final, il songea un instant à fuir, lui aussi, loin de tout ça. Il avait un peu d'avance, aurait put, en quelque foulée, s'éloigner et creuser la distance... Mais même ça, il n'y parvint pas. Et, même s'il ne s'en rendit pas compte, il s'agissait d'autre chose que de la terreur, qui le retint cette fois-ci et qui, posant ses yeux sur les gamins en contre-bas, le poussa à se lever.

Isaac avait agit bien plus vite que lui, pour le coup, formant une protection de flammes autours de ses camarades. C'était un acte intelligent, mais aussi risqué car s'il défendait ainsi les autres gosses, il laissait libre voie pour attaquer les trois autres. Se mordant la lèvre, Silenyas se força à ouvrir la bouche et il s'écria :

« La-... L'épreuve est interrompu ! Plus la peine de vous foutre sur la gueule ! » On ne sait jamais, des fois que deux centaures arrivant tout droit de nul part ne soit pas assez clair. Oh, mais qu'il était bête, Silenyas. Bête et impuissant. Complètement impuissant.

« Oh merde- J'vais crevé... Putain- Comment- Comment ils sont venus ici, eux ?!... » couina-t-il une nouvelle fois, se recroquevillant un peu sur lui-même, une pensée l'obsédant bien plus que toutes ses interrogations. Sa parfaite inutilité était la cause de cette dernière.