Ce journée était définitivement un mauvais jour pour Rama.
Déjà parce que cela faisait plusieurs nuits que ses insomnies le maintenait éveillé et au lieu de sortir de son lit et trouver de quoi s'occuper les mains, les yeux et l'esprit, il était resté silencieux et immobile à observer l'obscurité.
Et ce n'est jamais bon pour lui de rester seul dans le noir et dans sa tête pendant des heures.

Inévitablement, en sortant enfin de sous ses draps une fois le soleil levé, il n'était que tristesse, remord et morosité, plus qu'à l'ordinaire tout du moins.
Il se savait se rapprochant petit à petit mais dangereusement du point de chute, du non-retour, du craquage mental, et il savait que le jour où cela arrivera, il n'aurait sans doute plus de doute ou de remord à se laisser aller de vie à trépas, ou à laisser place à une folie latente qui ne cessait de lui susurrer des immondices à l'oreille.

Il avait passé une partie de sa journée isolé à l'intérieur du pavillon dédié à sa mère Deméter, à s'occuper des plantes s'y trouvant pour essayer de chasser ses idées noirs. Il avait évité et ignoré ses frères et sœurs qui l'avait laissé en paix pour une fois.

Mais il y eut bien un moment où l'ambiance dans le pavillon devenait étouffante, oppressante, claustrophobique pour les nerfs déjà malmené de Rama.
Tout comme il avait du mal à gérer sa mélancolie seul dans le noir de la nuit, resté enfermé des heures ne pouvait que lui faire plus de mal.

Il se décida à sortir, presque à contrecœur mais avec un soulagement certain. Il avait déjà un lieu en tête pour aller s'isoler, après tout après des années à jouer à "cache-cache" loin de tout le monde, il avait appris quels étaient les meilleurs endroits pour rester seul.

Mais il n'avait pas envisager que son chemin serait cependant plus occupé qu'à l'ordinaire.
Oh il regretta immédiatement et amèrement le fait d'être sorti du pavillon quand à quelques dizaines de mètres à peine il se retrouva entouré par une petite foule de demi-dieux suspicieux et méfiants.
En tant normal, il aurait baisser la tête et aurait marcher sans s'arrêter sous leur regard haineux mais très vite sa route fut couper par quelques petits malins qui pensaient le provoquer en se plaçant face à lui.

Si aucune insulte ou menace ne fut crier, il était évident que tous ici exprimait la même chose.
Un "Qu'est ce que fous un Lekaménos ici ? Tu devrais même pas être en vie, et encore moins dans ce camp".

Si le regard triste de Rama ne changea pas, de même que son air impassible, intérieurement son cœur ne pouvait que se serrer d'avantage face à leur regard méchant et accusateur. Bien sûr il resta silencieux, acceptant leur jugement à son encontre. Ils avaient raison après tout, il ne devrait pas être là, pas être là dehors, pas être là en vie.

Quelques insultes à son égard fusèrent mais aucune ne fit réagir le Lekaménos.
Déjà parce ce qu'il savait que certains attendaient la moindre excuses pour publiquement le remettre à sa place, de manière violente de préférence. Mais aussi parce qu'il préféra rester impassible, intériorisant encore une fois la douleur mental qu'un tel lynchage verbal pouvait avoir sur lui dans son état d'esprit actuel.
Mais son manque de réaction ne manqua pas de chauffer d'avantage les plus hargneux du groupe qui menaçait de vite exploser sur lui à ce rythme.

Pourtant, après quelques minutes de ce jugement populaire en place public, une fury rousse sembla sortir de la foule et se placer entre l'antagoniste et ce groupe de demi-dieux parfaitement dans leur droit d'en vouloir au méchant de l'histoire.

Et cette fury rousse, qui n'était en réalité qu'une jeune fille revêche, étonna tout le monde en agitant sa planche de skateboard et en menaçant pour qu'on laisse l'homme morose tranquille.
Etonnamment, malgré quelques esprits un peu plus insistant, le groupe finit par se disperser. Tous savaient qu'ils auraient de meilleurs occasions de s'en prendre au Lekaménos mélancolique alors cela ne valait pas la peine de se prendre une roue dans la figure pour cela.

Rama quand à lui ne pouvait s'empêcher de regarder avec des yeux rond de surprise et d'incompréhension cette jeune fille inconnu qui venait de prendre sa défense. C'était même bien la première fois que quelqu'un prenait son partie en plus.
Il pensa un instant qu'elle ne savait pas alors qui il était et que son courage soudain se changerai en dégoût dès qu'elle connaitrait son nom mais ses paroles vinrent très vite prouver qu'elle savait qui il était, ou du moins à quel ligné il appartenait.
Et cela n'apporta que plus de confusion pour le jeune homme.

Pourquoi une jeune fille savait à quel famille maudite il appartenait viendrait prendre sa défense ?

"Mmmm.... Désolé...", il marmonna en un murmure après quelques longues secondes inconfortable.

Il ne savait pas pourquoi il s'excusait mais c'était devenu un reflexe de toute façon. Désolé d'avoir dérangé, désolé de la "forcé" à s'adresser à lui.

Rama était confus, pour ne pas dire totalement perdu.
C'était comme si cette jeune fille débordante d'énergie était trop pour son cerveau à gérer. Après tout, le peu de relation humaine et de discutions qu'il avait pu avoir ces derniers jours, voir semaines, mois ou même années, n'avaient pas été aussi étranges et vivantes.
Alors il se retrouva juste à fixer de ses yeux ambré la demoiselle aux cheveux roux l'air d'être paralysé à l'idée de devoir ouvrir la bouche et lui répondre.

D'autant plus que la jeune demoiselle, il avait bien du mal à la comprendre, dans tout les sens du terme. Pourquoi est ce qu'elle avait pris la peine de défendre un Lekaménos, et encore plus pourquoi est ce qu'elle prenait la peine de lui parler là maintenant ?

Il dû prendre quelques secondes pour se reprendre, même si sur son visage impassible et triste rien ne sembla changer ou trahir sa confusion intérieur.

Pourquoi il ne s'était pas défendu face à ceux qui s'en prenait à lui ?
Pas un geste, pas même un mot de sa part n'avait été prononcé pour rembarrer les insultes et les regards haineux à son encontre.

"À quoi bon...""

Après tout oui, à quoi bon... Se défendre, que ce soit verbalement ou violement ne servait à rien et même au contraire, cela ne renforcerai que leur haine envers lui, et peut être même pire, envers les autres Lekaménos aussi.

Dans un passé lointain, quand il n'était alors pas encore rongé entièrement par sa mélancolie, il aurait peut être tenté quelque chose pour se défendre, tenté de changer les mentalités, tenté de prouver qu'il n'était pas q'un Lekaménos fou à lier.

Mais maintenant, même si toutes cette méfiance envers lui le blessait intérieurement, il restait de marbre du moins en apparence, en attendant que la tempête passe avant d'aller s'isoler loin des regards.

Il n'aurait pas supporter que ses actions entachent d'avantage la réputation déjà bien abimée de sa lignée maudite. Il ne voulait pas que les autres membres de sa "famille" ne subisse les répercutions de ses actes.

Et puis il était déjà si fatigué de tout ça, à quoi bon se donner la peine de dire quoi que se soit maintenant quand cela faisait déjà presque dix ans qu'il subissait les regards accusateurs et les insultes.
Il le méritait en plus, de recevoir toute cette haine.
Son regard fuyant vint se poser sur la planche de skate que la jeune fille pressait contre sa poitrine.

"Les combats non-officiels dans l’enceinte du camp sont interdits."

Règlement ou pas, ces demi-dieux qui voulaient s'en prendre à lui n'auraient pas hésité à utiliser la violence pour le remettre à sa place et lui donner une bonne leçon. Même s'ils en étaient venue au mains, il étaient peu probable que Rama se soit défendu même là.
Mais pour éviter de devoir expliquer tout cela et plus encore à la jeune fille, il préféra résumé son inaction à cette règle, même si un lynchage envers sa personne pouvait difficilement être qualifié de "combat non-officiel".

Rama était... Ennuyé ? Fatigué ? Déprimé ? Tout à la fois plutôt.
Il n'avait planifié d'être la cible d'insulte aujourd'hui, il n'avait planifié de se faire "sauver" par une jeune fille hyperactive, et il n'avait certainement pas prévue que la dite jeune fille s'attarde sur lui pour lui parler.

D'ordinaire on ne venait pas lui adresser la parole. Les quelques mots qu'il avait prononcé était les premiers de la journée qui échappèrent de ses lèvres, de la semaine même sans doute. Et très sincèrement, il ne savait pas si c'était une bonne chose.
Avec son pessimisme habituel, il dirait que c'était une mauvaise chose, de se faire interroger comme ça. Cela tenait déjà du miracle qu'elle ne l'ai pas traité comme un monstre dès le départ, ça serait bien qu'elle ne le fasse pas plus tard après avoir vu quel genre de loque maudite il était.

Il pencha légèrement la tête d'un côté, l'air un poil interrogateur et perdu par ses paroles.
Légitime défense ? Un Lekaménos pouvait difficilement utilisé cette excuse, qu'elle soit vrai ou non, légitime ou non.
Après tout, les autres demi-dieux avaient le droit de l'amocher sans grande répercutions mais si lui leur faisait le moindre mal... C'était une autre histoire.
Et qui est ce que les surveillants croiront ? Les demi-dieux ou ce maudit Lekaménos ...

Il la regarda d'un regard vide et éteint alors qu'elle semblait vouloir se battre, ou quelque chose du genre.
Il n'avait aucune idée de quel genre d'action, ou de réponse, la demoiselle attendait de sa part.
Lui montrer ses pouvoirs en l'attaquant ? C'était hors de question. En plus il y avait de forte chance qu'il se blesse tout seul plus qu'il ne la blesse elle... Ou qu'il la blesse plus que de raison, même par accident.

"Si je touche à un seul de tes cheveux, je donne l'autorisation à tous ces demi-dieux de m'attaquer en représailles. Ils attendent que ça, une raison de réellement me passer à tabac.", fit-il avec une voix audible quoi qu'un peu faible et vacillante, comme s'il hésitait à parler. "Contrairement au reste des campeurs, la "légitime défense" ne s'applique pas lorsqu'on est un Lekaménos. Si je me défend, cela sera considéré comme un acte d'agression."

Cela lui faisait bizarre de parler autant, assez bizarre pour qu'il se stoppe un instant. Il avait presque l'impression d'avoir épuisé d'un coup tout son quota de mots pour le mois dans ces quelques phrases qui était, sans aucun doute, parmi les plus longues qu'il ai prononcé en plusieurs mois.
Il trouva quand même la force de rajouté, un peu plus faiblement encore.

"Il y a une raison derrière notre réputation maudite. Je ne tiens pas à en faire la démonstration."