NAISSANCE ☾ Septième enfant d’une fratrie qui, tôt ou tard, en totalisera onze, Mana’arii voit le jour en Polynésie française. Fruit d’un adultère - produit douteux d'un voyage aux États-Unis, il est toutefois aussi bien aimé par son « père » que par sa mère. (Jamais il ne sera traité comme l’« enfant de trop »; l’indésiré.)
Son ascendance est un secret de famille, nul n’a besoin de savoir et – pour ses parents – les conditions entourant sa naissance ne laissent pas place au doute : elle a été influencée, manipulée.
La vérité sera enterrée.
Le genre de passion que l’on peut ressentir quand on s’amourache – même brièvement – des bras du dieux de la mort ne fera l’objet d’aucun témoignage.

8 ANS ☾ Enfant à la fois timide et discret, on tend constamment à zaper sa présence.
Et pourtant, Mana’arii a autant de choses à dire que d’idées à exprimer.
À la maison, il aide maman à s’occuper des plus petits et des plus vieux aussi. Il cuisine, récure, divertit et, surtout, fuit les tâches physiques liées aux terres familiales. Mana’arii sait déjà qu’il n’est pas celui qui reprendra la ferme perlière de ses ancêtres.

10 ANS ☾ Mana’arii veut changer.
Il ne sait pas trop par où commencer, mais il n’a jamais autant admiré ses grands-frères plus assurés et ses grandes-sœurs plus séduisantes qu’aujourd’hui.
Il se perd un peu, s’imbrique dans une quête insensée à saveur d’amour et de reconnaissance. Personne ne s’en soucie, mais l’enfant craint les fatalités; l’idée d’être simplement bien quand personne ne l’est.

11 ANS ☾ Le seuil de pauvreté finit par rattraper la famille.
Onze mioches, c’est dispendieux à faire vivre. Même si l’enfant ne s’y était jamais arrêté, ses vêtements trop grands sont en réalité ceux de ses aînés et la qualité des repas laisse souvent à désirer.
Derrière les paysages de rêve de la Polynésie française, ce sont désormais les innombrables difficultés que doivent surmonter les Hauata que Mana’arii retient.
Un soir, sa mère lui annonce qu’il partira pour l’Amérique, que c’est pour son bien; qu’il comprendra une fois là-bas. Il refuse, argumente et proteste en vain.

12 ANS ☾ Sur le territoire, Mana’arii est en colère.
Il ne parle plus à ses parents, voit leur décision comme un abandon. Il est envoyé chez un oncle qu’il ne connaît même pas et avec qui les traits communs sont absents.
La sécurité l’a quitté.
Ce n’est qu’en arrivant au camp qu’il pigera… à moitié. On lui parle de parent divin, de satyres et de pouvoirs; Mana’arii se demande s’il n’a pas été confié aux bons soin d’une troupe de théâtre ou d’une secte. On lui file un bracelet blanc qu’il gardera.
Éternellement – ce n’est pas si grave s’il est sacrifié avant la fin de l’année.

13 ANS ☾ Plus il admire le bracelet à son poignet, plus il se fait à l’idée qu’il ne sera jamais revendiqué. Il s’accomode du Pavillon d’Hermès, mais ils y sont trop nombreux pour qu’il s’y sente intégré.
Ça l’ennui; toutes ces années consacrées à devenir quelqu’un pour finalement être avalé par le nombre et la quantité.
Malgré tout, Mana’arii n’est pas malheureux. Pour la première fois de sa vie, il a véritablement l’impression d’être spécial, mieux que sa fratrie mortelle.
Même s’il en veut à sa mère d’avoir gardé le secret; de l’avoir abandonné, il se sent enfin chez lui.

15 ANS ☾ Ce sont finalement ses pouvoirs, plutôt qu’un père absent, qui le revendiqueront. Le silence de son géniteur et une série de capacités flippantes auront raison de ses espoirs; il est probablement un fils de Thanatos.
Parce que, Hadès, lui, aurait eu la décense de donner un signe de vie. Malgré tout, Mana’arii gardera sur lui sa preuve de non revandication.
Plus d’une fois, l’Ursa tentera de négocier les fatalités; Aphrodite l’a sans doute oublié.
Ou au moins Appolon. Après tout, il a toujours été bg, non?

16 ANS ☾ Au final, il ne parlera jamais de son parent divin.
À l’aube de l’âge adulte, Mana’arii n’a de yeux que pour ses propres idéaux; après tout, est-il vraiment possible pour son père de le détester davantage? L’insulaire s’est fait une raison.
Plus que jamais, il n’en ferra qu’à sa tête.
Et tout ce que son père peut exécrer – en commençant par lui-même – deviendra aussi bien légion que religion.
Par pur esprit de contradiction.

On verra bien qui gardera le silence le plus longtemps.

Résumé: