Ça y est, c’est bientôt le jour.
L’Agon. La semaine où je vais enfin pouvoir prouver ce que je vaux, prouver que j’ai fait des progrès, prouver que je suis capable de plus encore ! Je veux pas forcément écraser les autres mais… Je veux vraiment y arriver. Plus que tout, j’ai envie de montrer, que je ne suis pas… que je ne suis plus le gamin qui ne savait rien faire, le gamin qui ne pouvait rien faire, comme avant. Que aujourd’hui, si je peux apprendre, si on m’autorise à m’élever, alors je le ferai. Moi qui ai été plus bas que terre, plus que tout, aujourd’hui je veux être plus haut que ciel. Alors je prendrai ‘n’importe quelle occasion pour le montrer. A la loyale, parce que détourner ne m’intéresse pas. Mais toujours leur montrer.
Alors je dois bosser dur ! Je suis vachement motivé et enthousiaste à l’idée que cet événement approche, alors je dois me donner à fond !
Forcément, tous les jours, je m’entraine, beaucoup, peut être avec un peu trop d’enthousiasme, mais je m’en fous. On dit que les efforts finissent par payer, non ? Alors ils paieront ! J’en suis sur ! Je baisserai pas les bras, c’est clair.

Et puis, comme toutes les journées qui s’enchaînent commençaient à devenir épuisantes à force – je peux m‘en prendre qu’à moi-même, je le sais – j’avais décidé de faire une pause alchimie. Ouais, ça reste en partie de l’entrainement, je sais, mais bon. C’est bien, au moins j’aime bien bosser ! Et du coup, je me baladais dans les bois, parce qu’on ne sait jamais, il y a toujours des trucs intéressants à trouver ici, et à tester. C’est un peu dans les vieux recueils de mémé de l’alchimie : à l’ancienne, mais efficace !
Mais, en me baladant, j’entends des bruits. Evidemment, je ne vais pas passer à côté, je m’en approche. Et, plus je m’approche, plus je réalise que c’est une voix.

[color=olive]-Y'à cette espèce de fête bidon qui approche, avec les concours et tout, tu sais. Je vais être arbitre, comme souvent mais ça m'donne pas envie, mais alors pas envie du tout ! Il roule des yeux et bougea ses jambes pour se mettre en tailleur. [b]« Y'à toujours des gamins un peu trop cons qui se fracassent ou qui s'mettent à chialer. Tu sais j-...
Quoi, ça parle de l’Agon ? Oh ça m’intéresse ça, tiens…
Je m’approche pour mieux entendre mais je crois que je me suis pas fait assez discret. La silhouette que j’observais se retourne immédiatement vers moi. Et là, je peux le voir.
Cette silhouette mi-homme, mi-bouc, ces cornes… C’est un satyre ! Trop cool ! Ouais j’aime pas les humains, en revanche, je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours trouvé que ls satyres et les nymphes étaient trop stylées. Je veux dire, regardez quand même ! Un être mi-homme, mi-animal, ou même végétal, ça en jette ! Les humains sont si nuls à côté. Ouais, les humains ont toujours été nuls, et en plus de ça, eux ils ont jamais été capables de vivre en harmonie avec la nature, ou avec des êtres différents. Heureusement que je me suis cassé de là-bas… Ils sont tous… mauvais…
Mais bref, c’est pas le moment de broyer du noir ! Parce que j’ai devant moi justement un satyre !
…qui me jette un regard noir, d’ailleurs. Oups. Je crois que j’ai interrompu quelque chose, hein ?

-Salut.

C’est tout ce que je trouve à dire, pour le coup. Faut dire aussi, que je suis pas le meilleur pour me sociabiliser non plus. J’ai peut-être l’air super extraverti, mais en vérité je suis beaucoup centré sur moi. J’suis pas égoïste, ok ?
… bon peut être un peu.
Je lève le nez vers le grand arbre avec qui il parlait. Un très grand chêne. Wah, vraiment, j’ai l’impression d’être tout petit, à côté de la nature, à chaque fois.

-Je voulais pas interrompre quoi que ce soit. C’est une dryade ? Je t’ai entendu parler avec, donc je me demandais…

J’en ai jamais vu en fait. Ou peut être que je suis passé devant sans m’en rendre compte avant, mais en tout cas, ça reste pour moi un voile de mystère. A élucider, donc !

Ok, je fais souvent des bourdes. Ok, j’agis souvent sans réfléchir avant. Ok, je m’occupe pas vraiment de ce que les gens puissent penser. Mais là ? Honnêtement, même si d’habitude je mérite un tout petit peu des enguelades – un peu, faut pas exagérer non plus, et le problème c’est que tout le monde exagère – là je m’y attendais pas du tout.

-Mais de quoi j'me mêle, petit con ?!

Que… Quoi ? J’en suis bouche bée.
EH C’EST BON LA DE ME TRAITER DE CON DIRECT ? C’est bon, j’ai juste dit deux phrases, et lui, la première phrase qu’il me dit, il m’insulte dedans ? Qu’est ce que j’ai fait pour mériter ça ? Rien – cette fois ci ! Rien – pour l’instant !
Alors qu’il s’énerve, ouais. Qu’il me lance un regard noir, ouais. Qu’il se relève, qu’il bombe le torse, même s’il est stylé, ça va pas m’impressionner ok ? Rien m’impressionne, appelez ça de la témérité, moi j’appelle ça du courage. Et il en faut, pour faire face aux mauvais qui insultent gratuitement !

-Hein quoi t’as dit quoi, la chèvre ?!
-Tu me tutoie pas, pour commencer, p'tit gars. Tu pète moins l'arrogance, c'la dit, perdu en pleine forêt, hein ?

Alors là c’est la meilleure ! Je dois rire ou m’énerver ?
Les deux en même temps !
C’est exactement ce que je fais. J’ai un rire empli de mépris, alors que je croise les bras à mon tour, lui montrant que je ne suis pas impressionné.

-Ouais ben pourquoi toi tu me tutoierais et moi j’aurais pas le droit, hein ? Tu te prends pour qui ?

J’ai pas à le respecter alors qu’il m’a insulté. Je respecte qui je veux, pas qui on me dit. Pour une fois que j’ai voulu être sympa et parler. Ça m’apprendra, tss.
Les gens sont mauvais, Norrin. Même s’ils sont satyres ou nymphes… Pourquoi je l‘ai oublié ?

Je pointe un doigt dans sa direction, dans un air de défi. Il pense que j’ai peur ? Pas du tout !

-Et je suis pas perdu, ok ? D’où tu parles à ma place ? Je suis simplement en exploration !

En exploration dans un endroit que je ne connais pas ! Ça s’appelle pas être perdu, ok…

-Retourne parler à ton arbre, vraiment pour une fois que j’ai voulu parler à quelqu’un, j’aurai pas du. Satyres, nymphes, humains… Tous pareils.

Pareils.
Mauvais.
Comme tout ce monde.

Son rire m’ENERVE ! J’aime pas qu’on se foute de ma gueule, et c’est clairement ce qu’il est en train de faire, là. J’aime pas qu’on se foute der ma gueule, point. Et j’aime pas ce satyre.

-Ouais, ouais, je parle à ta place en affirmant des vérités. Laisse moi d'viner ? T'es très intelligent toi !
-Plus que toi, d’abord !

Il se fout clairement de moi, je le sais, à s’étirer comme ça, à me regarder comme ça. Je sais même pas pourquoi je reste encore ici. A part parce que je peux pas partir alors qu’on vient de m’insulter en direct, et qu’on continue de se foutre de ma gueule.

-Tous pareils ? Des enflures qui n'ont de respect pour personne ? Pauvre gosse ! T'as vécu des choses terribles et maintenant, tu reste dans l'ombre en attendant ton heure ?

Et cette fois.
Je me renfrogne.
Il ne sait pas de quoi il parle. Non, il ne peut clairement pas savoir. Mais… Mais oui, c’est vrai. Quand j’étais encore juste avec les humains, quand je n’étais encore… rien. Je me disais que rester dans l’ombre, c’est ce qu’il y avait de mieux, au final.
Pour échapper à tous ceux qui voulaient juste m’étouffer.

-Tais-toi…
-T'es du genre à t'apitoyer sur ton sort en blâmant le monde d'être un ramassis de cruels salauds ? C'est d'une naïveté ! Ca m'ferait presque vomir si j'trouvais pas ça pathétique, gamin. Mais t'as oublié les dieux, dans ta formule. Satyres, nymphes, humains, dieux... Tous pareils.

Et ça m’énerve. Vraiment. Il a l’air si fier de lui, d’être si méprisant, de vouloir nuire que je…
J’explose.

-MAIS FERME LA OK !?

J’avais crié, sans même m’en rendre compte. J’étais rouge de colère, mais je ne pouvais pas le voir.
Mais je peux pas m’en empêcher. Ce qu’il me dit, ça me projette quelques années en arrière. Des années que je veux oublier.

-Tu connais pas un truc de moi alors arrête de parler pour moi ! Tu crois que je reste dans l’ombre ? Tu te fourres la patte dans l’œil ! Ecoute bien : plus tard, quand tu entendras que le nom de Norrin Omens est entré dans les légendes de l’Olympe, tu t’en mordras bien les…
-Oui, tous pareils. Mais entre nous, les premiers à foutre la pagaille sont souvent ceux d’en haut. Si tu te focalises sur la lie de l’univers je donne pas cher de ta peau, gamin. Il faut voir plus grand que ça.

Etonné d’entendre une autre voix, je me retourne pour voir une femme qui se détache des arbres pour s’approcher vers nous. Une belle femme, fumant une cigarette, qui semble connaitre le satyre.
En tout cas, elle l’approuve. Et ça, même si je ne la connais pas, j’aime pas trop ça.
Je croise alors les bras, clairement pas content.

-Ouais c’est bon, tout le monde est pourri et c’est le plus pourri qui gagne, c’est ça ? C’est bon, j’ai déjà compris de toute façon, j’ai pas besoin d’une leçon…

Oh oui. Je le vois bien tous les jours.
Je pensais que le camp me prouverait le contraire. Il m’a déjà prouvé le contraire. Mais c’est justement pour ça que j’en oubliais que c’était juste des exceptions.