Elle s'arrête à l'improviste, engoncée dans les méandres d'un doute insinueux.
A le fixer, là, à s'épancher sur un sport dont elle ignore tout. Et cette soif. Soif de savoir.
Ou soif de pouvoir ?

Elle penche la tête sur le côté, le menton s'abaisse,
furtive,
furtive et
d'ombre, elle l'observe.
La chaleureuse lumière du jour fait rayonner le reflet de ses cheveux opalins. Elle s'y reprend à plusieurs fois pour détourner le regard, interdite devant une fascination non désirée. Des âmes à la pilosité d'ivoire ou même de ce blanc laiteux, elle en voit tous les jours. Alors.
Pourquoi lui.
Lui n'a de corps que celui d'un homme, et les traits d'un dieu qui s'infatue jusqu'à la folie des grandeurs.

Avant même de prolonger le fil de ses pensées, elle n'a le temps de voir qu'un vif retour de silhouette et de sentir ses cheveux s'élever en réaction à la flèche n'ayant rien épargné de sa trépidante curiosité.

Sidérée un instant, la peur se glisse sous ses traits avant de laisser le pas pour un autre sentiment. Plus vif, plus fantasque et dangereux.
Elle le sent, ce coeur qui
court.
Court si fort que sa respiration réagit par saccade.

D'un pas dynamique, la jeune blondinette fend la distance entre eux en de grandes enjambées, subite envie de gronder devant pourtant l'un des êtres les plus craints et respectés du campus :

- Comment OSES-TU me faire une telle frayeur ?! Et si seulement j'avais fait un geste sur le côté ?

Petit menton tremble sous le regard furibond, voué à être levé pour être ancré dans celui, plus haut (bien trop haut), de son regard. Encore trop rutilant, d'un bleu qu'elle tente desespérement d'éxecrer, à chaque contact créé.

- Tu m'as fait peur ! ...

Menton levé, elle tremble pourtant comme une feuille, vibrante d'autant de sentiments contradictoires que de contrariétés sentimentales. Après un soupir, elle daigne porter un regard las et fatigué sur ce qu'il tient.. et le piège s'est refermé sur elle, lorsqu'elle songe être -trop- seule avec ce goujat sur pattes.

- Tu es.
Insouciant.

Et tu m'énerves.

Un piège grotesque, guidé par la seule volonté d'un destin qu'elle n'a pas appelé.
Voilà bien le comble de l'ironie.

La vague de colère irradie une deuxième fois la jeune femme lorsque cet impétueux jeune homme, trop (bien trop) imposant, fait preuve d'insolence.
Respire.
Ses prunelles noisettes le fixent d'un affront qu'elle nourrit dans ses élans de fureur. Montées d'adrénaline qui roulent sur les rails de l'émotion. Si elle pouvait seulement posséder ses pouvoirs et le faire taire une bonne fois pour toute...
Elle ne sait cacher non plus la contractilité de ses traits. Mais heureusement, elle ne flanche pas. Jamais. Même si son regard d'un bleu transparent la transperce de toute part. Elle ne doit pas regarder ailleurs, ne jamais lui laisser un traitre de bout de terrain.

Un sourire mauvais pointe au fil de ses pensées. Et rétorque :

- Ne sois pas aussi irréverencieux, tu ne me tuerais pas en connaissance de cause.

Si le couperet de sa répartie s'effile telle une lame d'arrogance , il en est pourtant tout autre. Peut-être sait-il lire entre les lignes, le champs lexical de la menace.

Ne baisse pas les yeux.
Mais pourquoi la fixe-t-il avec une telle insistance. Cette tension, presque électrique, la déconcerte. Les questions, aussi assourdissantes d'outrecuidance, pleuvent sur son être et elle les subit tel un sillon mortiphère, qui ravage simplement tout son être.

Son regard, alerte, est attiré par un mouvement au loin. Une... minuscule chose, insignifiante, apparait dans son champs de vision et lui redonne confiance. Les traits se détendent ; imperceptible sourire aux lèvres. L'expression du visage se revêt d'un voile plus espiègle.

- Te craindre ?

Moi, te craindre ?

Oh, s'il était question de sa non désirée attirance et de la respiration saccadée qu'elle tente tant bien que mal de dissimuler au détriment de son accalmie mentale, de toute évidence, elle le craignait effectivement pour ça, et davantage de sensations allant en contrastant avec sa raison.
... mais du reste.

- Je ne crains même pas Zeus, alors toi..., ment-elle.

La petite chose tout à l'heure entraperçue, prend ses aises sur un terrain qui lui est sien. Se rapproche.
Moïra fait un pas de côté, comme pour mieux contourner l'ennemi, et fait montre d'un sourire bien plus serein et assassin.
Peut-être même un tantinet malicieux.
Elle ne peut que supporter l'affront de son attirance pour lui, en l'ignorant.

- Je ne te cherchais pas tout à fait, je ...ne fais qu'un avec la forêt, tu sais. C'est mon second habitât. D'ailleurs, je me demandais....
...
Est-ce que tu crains quelque chose ? TOI.

La suprématie de son égocentrisme la vrille un faible instant ; ca passe tout le long de ses synapses et fait vrombir la colère en elle, encore sourde. Cette assurance complète d'être au-dessus de tout, de considérer l'homme et les mortels comme des moins que rien, cet enfant capricieux dont les tourments sont à ses précieuses prunelles si absents.
Il ne peut être comme ça, ce n'est pas possible.

Ce qui n'est pas non plus possible est la tension indubitablement survoltée entre eux, de ces décharges intérieures qui la font trembler de la tête au pied.
Bien-sur. Il exige.
Il ordonne.
Il prend.

Elle frissonne, le derme de son échine lui est douloureuse. et joue avec ses nerfs, tendus.
Ils vont lâcher, pense-t-elle simplement lorsqu'il fait un pas pour tuer la distance entre eux. Elle n'a rien ; elle n'a rien pour se retenir à son action de l'acculer dans ses retranchements, le coeur déchirant sa poitrine par des coups brutaux et violents. Oh il cogne si fort qu'elle l'entend jusque dans ses oreilles. Elle ne l'entend pas, lui.
Mais elle arrive à deviner les mots, la puissance, le pouvoir que les mots peuvent avoir sur autrui. Apprendre. Craindre. Rien. Des mots qui font de lui un presque-dieu respecté, salué, redouté.

Ses lèvres s'entrouvrent pour laisser ce simple fil d'air lui permettre de respirer. Il est trop proche.
Trop. Il lui semble être happée complètement par son aura divine, se faisant écraser par sa seule présence quand pourtant la forêt est immense. Rien ne devrait l'affecter autant que la perte de sa mère. Mais là, elle subit le joug de son charisme et elle hoquète.
prise de court.

Le regard alarmé, ses mirettes brunes s'affolent, la chaleur irradie son visage, ses lèvres carmines s'approfondissent dans leur teinte mutine ; elle devient folle, avec lui sur son sillage.

Mais surtout.
Elle manque d'air.

Ses mains se plaquent fermement sur le torse de l'homme, elle reprend ses esprits et elle le repousse. Calmement. Assurément, et elle replonge son regard dans le sien. D'accord, il veut jouer.

- Je ne te crains pas. Et tu aurais toutes les raisons de ne pas me tourmenter. Je n'existe que pour servir la justice, et il me semble contre-productif de vouloir m'assujetir, monsieur-je-le-fais-à-tout-va.

Elle lui attrape le poignet, mue là encore par une force surréelle, mais surtout méconnue, et le serre entre ses petits doigts froids, résultat de sa mauvaise circulation sanguine, pour se surelever, prendre appui. Elle est bien obligée avec ses tristes cent soixante deux centimètres.

Son visage n'est pas loin du sien, les lèvres dans cette résolue fermetée de ne montrer aucun tremblement ; son regard planté dans le sien, même si son coeur, lui, s'entortille face à la beauté presque féerique de ses iris envoûtants.
Les mots prennent un temps à sortir, et lorsqu'elle tend à le faire, une petite chose monte sur ses pieds. Son regard bifurque d'un coup sur l'intrusion, pleine de poils roux, au large potentiel de douceur et de bouffante apparence.

L'écureuil grimpe alors sur lui.

Surprise.
Tout d'abord. et puis, elle se recule d'un pas tout petit, un curieux sourire étirant ses lèvres closes. Rebelle. Ce petit sourire en coin qui se plie sous l'effort, un effort indicible de ne pas céder à la crise hilare qui menace soudainement d'éclater.

N'a-t-elle jamais autant joui d'un tel spectacle et du doigt que pose l'ironie sur celui qui se dit prince des dieux ? La voilà donc doucereusement amusée, incapable de chasser cette tempête heureuse en elle. Elle-même responsable de l'évacuation de son propre trouble et de la tension causée par leur agaçante proximité.

De l'air, et en prime, du divertissement.
La commissure droite de ses lèvres fait rehausser sa joue rosie par l'émerveillement d'une vérité aussi cruelle que ridicule.

Celyan craint les écureuils.
Celyan craint les écureuils !

Un hoquet de rire, très succinct remonte jusqu'à ses lèvres ; sa main rejoint soudainement celles-ci pour les sceller dans un automatisme propre au respect, sans doute. Mais elle est à deux doigts de se perdre dans les affres d'une allégresse irreversiblement légère.
Elle ne prend même plus au sérieux tout ce qui les entoure, ses sens alanguis par lui et cet adorable écureuil.

... et ce visage qu'il lui présente, ce regard où le doute s'installe, l'éclair d'un si faible instant.
Elle se sent brutalement prise de confusion.
Sa menace malgré tout tombée, la replace sur les rails de la jubilation et le rire sort de lui-même, aussi cristallin que régulier, mais tout de suite un frisson de frayeur la parcourt tout entier. Comme si son ordre avait un effet de dépendance. Elle le voit foncer sur elle, d'un pas dynamique.

Elle se raidit d'un coup.
Petit cri étouffé.

-N-no-non non non non non !!

Elle s'agrippe automatiquement à lui, la chaleur de son étreinte la rendant aussi fébrile qu'inquiète. Inquiète de perdre le contrôle de leur relation, et surtout, affolée lorsque ses pieds se dérobent sous elle.

- Repose-moi sur le champs, Celyan !! C'est non, je-

Si c'en était un autre.
Si elle avait été prévenue.
Tout aurait été différent.

Mais la panique s'insinue en elle tel un venin de fiel, agrippée comme un chat mouillé à son bourreau des coeurs

Il va la lâcher, il va la lâcher. C'est bien la seule pensée qui tourne dans sa tête, ne souhaitant en aucun cas poser un regard ailleurs que... sur sa gorge, dont l'odeur lui chatouille les narines. Quel curieux mélange de senteurs de pluie et de musc subtile.

Etourdie, elle demeure arrimée à lui sans plus lui concéder un moindre regard, une moindre parole, tout affairée à calmer la frénésie du coeur, ceinturée avec trop de fermeté contre ce corps qu'elle veut rejeter.

Se maudissant d'entendre l'echo de leur organe respectif battre quasiment de concert.
- J.....
... Je ne veux pas, murmure-t-elle.

Elle l'entend, au lointain, elle seule perdue dans les affres d'une lamentation muette. N'osant poser un regard ailleurs que sur la toile fine de son vêtement. Celle d'un homme qu'elle exécre profondément pour ses élans de mégalomanie, son ego surdimensionné en sus d'un physique outrageusement superbe.

Ses yeux se ferment ; ses cils reposent sur sa peau blanche.
Elle frissonne davantage, l'air frais galope dans les retranchements de ses tissus. Et la voix moqueuse et sardonique de son bourreau qui l'a élevé trop loin dans les cieux la rappelle à sa condition de perdante.
Imperceptible froncement de sourcils.

Elle refuse catégoriquement, se rappelle de l'écureuil, du secret qu'elle détient maintenant en son sein. Elle doit en savoir plus sur lui, pour des milliards de raisons. Mais pas de cette manière précise. Pas en ayant la senestre contre son épaule, le bras ceinturant sa nuque, ni en ayant la dextre posée sur son torse musculeux.

Elle devait se rappeler son désir de l'étrangler. Se ressasser combien ce n'était pas elle qui prônait l'arrogance à son summum ; mais bien lui. Et seulement lui.
Là voici qui grince des dents, les traits du visage martelés par un agacement crescendo. Si elle pouvait simplement lui rabaisser le caquet par un sort direct.

Elle se vengerait.

Ses paupières se soulèvent lentement, victime d'un énième frisson, plus alangui cette fois. L'odeur de sa peau ne cesse de la hanter maintenant, et bien que l'air l'environne, c'est l'étreinte électrique et chaleureuse soumise par ce corps athlétique qui recouvre sa peau, d'un doux voile de bien-être.

C'est pire encore lorsqu'il l'achève d'un frisson engendré par la caresse de ses mots à son oreille. Il lui susurre tout simplement de lui faire confiance, là, maintenant. De porter un regard sur le monde extérieur, qu'elle ne connait pas sous cet angle de vue.
Elle avait o combien déjà jalousé la faculté de cet homme mais aussi les enfants d'Iris et Thanatos dont la possibilité de voler avec des ailes était incroyable à ses yeux.

Alors. Pourquoi ne profite-t-elle pas ?

Parce qu'elle est dans les bras du pire demi-dieu possible.

Sa petite tête se soulève légèrement pour permettre de lancer un regard sur le côté d'abord, abordant un visu unique sur le ciel et les nuages, devenus plus massif qu'à l'accoutumé.
... Son regard glisse vers le bas, lentement.
Elle siffle entre les dents en voyant le vertigineux gouffre entre eux et, sa réaction n'est autre qu'une réponse instinctive de survie. Son corps se raidit brutalement, incapable de donner une raison à son vertige puissant, elle regarde Celyan paniquée et se resserre à lui, ses jambes s'enroulant contre le bassin de l'homme avant d'enlacer sa nuque de ses deux bras maintenant. Une étreinte solidifiée par la terreur de tomber.

Elle qui, pourtant, avait été sûre d'hurler sa joie si elle avait été un oiseau. Elle se maudit d'abord de faire montre d'une telle faiblesse devant lui ; elle le maudit ensuite d'avoir eu recours à ce subterfuge.

- Je te le jure, Celyan.
Une fois en bas, une fois que mes pieds auront rejoint le sol, tu ne sauras plus jamais profiter de la chance dont le ciel t'honore, pour mon plus grand bonheur.

Une menace.
Une promesse.

Une bouffée de colère enflamme ses sens, le sang affluant avec une vivacité légitimée par son état. Un état...
...qu'elle ne contrôle pas.

Acculée dans ses plus intimes retranchements, elle prend conscience de deux choses : la première étant le rejet viscéral qu'elle ressent à l'égard du fils de Zeus, pour son arrogance légendaire et ce désir puéril de l'assaillir d'émotions terrifiantes, comme si elle n'avait pas déjà à faire avec ses tribulations. La seconde, plus pernicieuse, est cette attirance rebelle et sérieuse qui la happe jusqu'à lui. Tant et si bien que son corps réagit instinctivement à cette intime proximité entre leurs poitrines accolées l'une à l'autre, à l'amalgame de senteurs qui, à son grand dam, s'harmonisent à la perfection et grâcie ses sens olfactifs.

Elle semble détester l'aimer.

Le mouvement opéré dans les airs la rappelle à sa condition de semi-mortelle aux prises d'un vertige coupable. Ses orbes se posent sur la descente sur terre avec bien plus d'appréhension qu'elle ne l'aurait voulu. Pour la simple et bonne cause qu'elle n'assume plus.

Sa colère menace d'éclater à tout moment.
Elle réprime et endigue tous ses sentiments, positifs comme négatifs à son égard ; sans savoir quoi faire, et surtout, sans savoir POURQUOI ils existent. Là est le problème, elle ne cesse de chercher une réponse à cette attirance mortifère, elle ne parvient pas à comprendre, et le réfute catégoriquement.

Poings serrés, en constatant leur position plus terreste que celeste, elle reprend ses forces et se détache donc de lui sans néanmoins lâcher prise. Sans oser le regarder ; elle serait automatiquement perdante.
Elle sait.
Elle doit savoir.

Elle tique simplement à une énième menace, les énumérant mentalement pour faire le compte du nombre de malédictions en préparation quand il change son étreinte, attirant malencontreusement son attention... sur lui.
Son visage. Ses traits si divins...

Elle recule un peu le visage quand ses doigts effleurent sa joue, malgré elle enflammée par le contact.

Moïra était remarquablement rouge pivoine, perdue et troublée, arrachée à un équilibre de vie et aux prises des limbes de l'inavouable, de l'intolérable, de la dénégation honteuse qui envahissent tout son épiderme. Son sang se glace, mais ses entrailles brûlent.

Elle le foudroie du regard, contenant avec grand peine l'ire.
Mère, que ferais-tu dans ce genre de cas ?
Est-ce ainsi que tu as cédé à Père ?

Mais la puissance de son azur ensorcelant et sa question inopinée la pétrifient de peur.

- Qu-..

Qu'est-ce qu'elle désire ?

Là tout de suite ? Qu'on le supprime de son existence ! Elle REFUSE cette fascination refoulée pour lui, elle n'en veut pas. Elle ne veut pas se lier d'une quelconque façon à lui.

- RIEN que tu ne pourrais m'apporter ! aboie-t-elle presque, le corps pulsant une nouvelle fois de ce désir profond. Le problème avec Celyan, c'est que de tout ce qu'elle imagine de lui, il ne semble pas prompt à lui mentir aujourd'hui. Et le poids de ses yeux sur elle la trempe dans quelques fantasmes superflus.

- Attend, ne bouge pas... fait-elle mine de se raidir, en proie à une peur imaginaire...." Ne bouge surtout pas." Elle n'a pas prémédité ça. Elle a juste besoin de le faire, maintenant. " Tu sais que l'écureuil est toujours sur ton dos ?"

Réaction ou non, elle profite de ces maigres secondes d'inattention pour emprunter sans scupule aucune la couronne d'or massif retenue dans ses cheveux marmoréens et, ni une ni deux, se jette dans l'eau avec pour estimer le fuir.