Ses pieds dansent entre les écumes et les ondes, gracieusement la fureur de sa colère éternelle foule le sable de ses violences. Sa voix s’épuise dans les cendres de la fatigue et de ses larmes renversés sur ses joues, Dorothy n’était qu’une Dolore qui infligeait sa haine à autrui.

La robe volant humide, s’accroche à ses cuisses tandis que les tressaillements de ses volontés s’excitent devant ces pensées, ces maigres souvenirs des regards sur son dos, des regards sur son sang, des mots chuchotés derrière son dos. Ce monde n’était pas fait pour elle, ce monde n’était qu’une cruelle parodie de son enfance idéale.

Même maintenant, elle tendait les bras vers la mer suppliant ces êtres de venir à elle, de lui donner ces sourires qu’elle rêvait si délicieusement. Mais elles sont parties avec les perles des douceurs d’antan, les soupirs du temps où ses seuls soucis était de dire pardon comme il le fallait.

Et de son sang naissant des flots pourpres.
Tombant assise, ses reproches encore sur les bords de ses lèvres écarlates.

-Pourquoi suis- je née moi ?

Et ses derniers mots dans la plus grande cruauté des flots, fut accueilli par une vague qui s’écrasait à ses pieds. Petit chien qui venait réclamer la fin de sa colère, la fin de ses caprices, il était temps de dormir Dorothy.

Mais de son pied furieux vient déloger un coquillage qui vole haut dans le ciel tandis qu’un long lambeau de grec ancien sali s’échappe de ses lèvres. Une ombre se glisse dans la sienne, une présence qu’elle a appris à reconnaître dans la quiétude de la lune.

Visage qu’elle offre au sien, n’ayant que peu honte ses traits distordus et de ces yeux bouffis par ce qui la pesait. Il avait vu pire, Otello.

-Pourquoi t’es là ?

Ton renfrogné, l’enfant n’appréciait pas qu’on interrompe son rituel.

Les mots grondent dans sa gorge, comme une incessante haine qui coule et s’accroche à ses voiles de chair. Dorothy souffre des plaies à même sa chairs, des tourments qu’on n’ose que dévoiler dans le plaisir exhbitionniste de la pitié.

Pieds mouillés qui souffrent dans l’eau salée, elle le contemple sans hostilité lui et ses gants, et cet air toujours un peu fermé mais doux. Comment est-il possible de le mépriser ? Comment est-il possible de le rejeter ? Voilà que ce frère qu’elle n’avait jamais voulu lui donne envie de vouloir, envie de croire que ce n’est qu’une crise, une adolescente qui peine à s’effacer dans le fracas des vagues.

Il s’approche et elle ne tremble point, ses lèvres frémissant devant ses mots, ses confessions qu’il effrite sous ses doigts souples, lui aussi est fuit par le sommeil ce dieu capricieux. Sourire amer qui se glisse sur ses lèvres réponse à celui de miel qu’affiche le béni des ombres, Dorothy pleurait toujours malgré la paix qui dévorait son coeur.

- Ton pavillon est vraiment mal fait, ça doit être d’un ennui à mourir de ne pas pouvoir voir ni le jour ni la nuit.

Elle lui offre son sarcasme comme une promesse, une silence bénédiction que tout ira bien. Même si elle, elle dans son âme incandescente voyait le moindre silence comme une attaque. Ses pas franchissent le maigre écart qui les sépare et sous les chants des mouettes de la nuit, elle tangue un peu.

L’existence, la non-existence, la vie, la non vie, l’avant-vie, que des notions floues. Attrapant ses longs cheveux pour les reposer sur son épaule, repoussant d’un geste les gouttes d’eaux qui alourdissait ses boucles :

-Ouais… On échappe pas à ces choses là. Tu connais la stupide tragédie de mon existences, ces gens qu’on devrait pas mélanger mais qu’on mélange. Au final, on me donne une place qui ne sied qu’à moi et que je ne veux sans jamais la désirer. Mon existence n’a pas grand sens, et c’est fort ennuyant.

Elle emprunte ses mots des tiens Otello, de tes tournures soignées, du petit monde que tu abrites derrière ses paroles trop douces.

-Et toi ? Jaloux de mes vagues ? Je te les donne si tu veux.

éclat de rire sec comme un morceau de verre qu’on enfonce dans nos doigts.

-Mais ton royaume est bien plus beau que le mien car il regorge de tout ce que l’humanité n’a jamais été et ne sera jamais. Toutes les pierres précieuses que tu as du voir, ça m’émeut bien comme il faut.

Lèger coup de coude, le caprice changeait de sens, la douleur ne partait pas. Oh non. Elle se prostituait en candeur.

Si le temps lui avait offert une seule chose, si elle ne regrettait pas une chose de son arrivée dans ce camp, c’était de toute évidence la présence d’Otello. Il était une soie noire qui glissait doucement entre ses doigts, offrant fraîcheur dans sa maladresse de ses sourires et des mots échangés.

Le remord, l’amie oubliée de son coeur courroucé, se loge devant ces actions passés face à lui. Ces erreurs d’enfance qu’on ressasse quand l’esprit se veut agité lorsque les lumières s’éteignent, voici ce que le visage d’Otello lui rappelait. Mais devant ses rires, cette douce vie lumineuse qui s’échappait de son visage toujours si formel, elle se prit à esquisser une petite moue. Une moue comme avant, une moue où les factions et les dieux n’étaient que des parents contraignants.

((je me demande “père” si tu savais, qu’Otello serai là))

L’océan devant la mort s’incline
l’eau s’évapore, la mort s’impose.

Ses mains se joignent de plaisir devant le tour d’Otello, colère qu’elle oublie un instant devant ce petit tour de magie qu’elle a vu des centaines de fois. Otello ce maître des morts qui l’invite à prendre siège à ses côtés, cela ne se refuse pas. Sautillant jusqu’à son siège, écoutant pied léger les mots portés par le vent, le sable voltige tandis qu’elle s’asseoit loin de la grâce innée de son partenaire.


-Pour ta gouverne mon cher Otello, j’estime que le sexe ça fait des bébés, et de ce fait c’est une très mauvaise idée de le faire sur une plage, ou n’importe où d’ailleurs. Crois-tu que la mer fait preuve de retenue tandis qu’elle engloutit village et îles ? Non, la mère vibre et avec elle, moi. Comme toi, tu vis dans les ombres. Tu es une ombre Otello, tu es aussi subtil et précieux qu’une ombre. La chose qui nous rappelle qu’on est vivant, c’est la mort. Tu vois ce que je veux dire ? J’espère que tu pourras contempler tes joyaux aussi longtemps que ton coeur te le dit…

Appuyant sa joue contre le genou remonté, dans cette position qui n’était plus de son âge, elle décoche un sourire sans goût à la remarque d’Otello. Le temps passe et lui arrache des choses, dans sa grande horreur elle n’arrive plus à accepter ce qu’il lui a arraché.

-J’ai mal quand j’y repense, Otello. J’ai mal au coeur. Crois tu que Ludmila me déteste ? Elle doit sûrement, très certainement. Je…

Étirant ses jambes à la façon d’un félin, roulant ses épaules, son ton s’allège pour reprendre le ton taquin qui sied à la voix du fils des morts

-Ca fait bien longtemps en effet ! Tu te rappelles du lendemain de notre arrivé? ON avait bien l’air à se regarder comme ça, tu étais le plus calme de nous 3. Tu n’avais pas demandé où on pouvait trouver un truc bizarre? Genre les toilettes des morts…?

Sa voix est comme le sanglot de mille cigales dans la douceur langueur qu’est la fin de l’été. Otello est la fin d’un été éternel, une nouvelle saison qui sent la mort et l’effacement des volontés face à la toute puissante vérité. Otello avait raison c’était bien là son seul défaut, Otello avait toujours raison.

Un sourire s’esquisse sur les pointes de ses lèvres fines en réponse à cette gêne humaine qui maquillait les traits du demi-dieu, ce n’était jamais que trop agréable de voir le malaise sur ce visage ouvert et bienveillant. Elle ne veut pas s’attarder sur sa réponse, Dorothy comprend le décalage. Elle venait de la mer, il venait des entrailles de la Terre, et la terre n’était qu’une pacotille où on leur imposait de courir et de vivre.

Secouant sa main pour chasser le léger malaise de sa réponse, elle se fait magnanime. Otello mérite bien un peu d’amitié après tout ce qu’il doit supporter de sa part. Mais elle ne désirait pas plonger ainsi, sentir sa main sur son épaule et le ton se fit sérieux. Pression sur ses os, il parlait yeux plongés dans les siens.

Ludmila…
C’était compliqué d’y penser, compliqué de ressentir encore ses émotions qui se bousculaient dans son cœur. Il semblait que tout son être pulsait de la violence de ses sentiments, elle entendait encore les mots terribles et les insultes sur son front. Dorothy désirait la hair si fort, arracher les lambeaux de sa puissance, mais à chaque fois que ces pensées venaient dans son esprit troublé… Elle avait honte. Honte de vouloir détruire cette idole de son enfance, ce trio de son coeur. Et la bile sur la lèvre, elle ne pouvait que cracher.

Otello se faisait intense, lui qui voyait les deux côtés. Il connaissait les clans sans jamais avoir été un, il était son propre clan et son propre sang. Fascinant, il était fascinant. Contraignait par ses propres règles, par sa trop grande lucidité, il savait mettre les mots et le sens sur ce qui se bousculait dans ce monde consanguin.

Mesurant ses gestes, Dorothy mit sa main sur celle d’Otello appréciant sa musculature sèche sous cette main trop douce.

Ne parlons pas de détruire le camp, tu me donnerait des envies.

Illuminant son visage, la simplicité de cette remarque tirait une joie lègere de son esprit. Dorothy jouait avec elle, créant un caprice pour parler sérieusement.

Je te crois Otello, je te crois. Je me doute que Ludmila souffre, elle est seule. Les Phosaeons sont dangereux, ils sont malsains, ils n’aiment pas. Peut-on vivre si on presse un être pour des réponses, et des comportements ? Ludmila me fait mal, très mal. Mais je lui fais mal aussi. Alors… Peut-être nous sommes égales ainsi ? Némésis a un bien méchant sens de l’humour. Mais, tu peux faire preuve de bien plus d’esprit que moi, toi. Toi, tu vois Ludmila, tu vois tout. Mais ça doit être si fatiguant d’être seul à être sensé.

Détournant son regard du sien, se perdant dans les vagues tandis que la pression de sa main se fit tendre, pressant ses doigts blafards entre ceux trop tannés. Faisant danser les vagues pour son propre amusement tandis que d’autres mots se perdent :

Et toi Otello ? Tu te fais mal aussi. Tu ne fais preuve d'aucun bien..bienveillance envers toi-même. Regarde toi, tu ne respires pas grand chose alors le bonheur c’est perdu d’avance. De quelle mission te crois-tu fait ? Pourquoi es- tu ici ?

Et dans l’écho de ses propres pensées, elle répète ses dernières paroles.

 

   

I will burn anyone who dare to care for me.

I just want to keep you away from danger @Otello Di Costanzo

Cruauté des mots, elle ne comprend pas Otello. Elle ne veut pas le comprendre, elle a peur de le comprendre. On disait que l’océan était l’endroit où les profondeurs touchaient les enfers, on disait que l’océan contenait la puissance des âmes. Mais à cet instant, Dorothy ne comprenait pas l’homme qu’elle voyait. Elle avait vu cet être si petit tel un bourgeon entre ses doigts trop potelés, cet enfant perdu aux yeux trop grands et à la mine trop pâle. Elle avait cru qu’ils seraient toujours enfants, toujours méfiants mais toujours heureux.

Elle voulait tendre la main et lui demander encore s’il comptait l’abandonner lui aussi. Elle voulait le gifler pour qu’il la déteste et qu’il reste pour la détruire. Dorothy préférait la haine à la disparition, l’indifférence avait le goût des cendres oubliées. Remontant ses genoux à ses yeux, elle étouffait les supplications de son existence derrière ses robes d’une blancheur insuffisante.

-Soit.

Elle ne le regardait plus, Dorothy n’était qu’une boule de chair et de cheveux assise à même cette chaise trop haute qui jetait sur la mer les ombres des détritus passés. Il fallait être digne pour une fois, il fallait offrir à Otello ce qu’il avait désespérément besoin. Alors pourquoi être la bonne personne était si difficile, pourquoi les héros pouvaient se parer de vertus sans jamais faillir. Dorothy voudrait l’étouffer de ses bras pour le garder toujours avec elle, pour que jamais son frère ne le fuit.

-Hadès doit être fier de t’avoir comme fils, Otello. Ton amour est un cadeau, et il t’a tant donné aussi.

Émergeant son visage de derrière les plis de sa robe, elle n'offrait à cet océan éternel que ses yeux fermés.

-Je me demande si Hadès n’est pas heureux en Enfers...Ne te t-trompe pas Otello. Il est loin de tout en bas, loin des dieux, loin des hommes. Une infinité de sujets et une infinité de légendes qui d-dorment avec lui. Il a une femme, il a des enfants, il est paisible. Quelle douce vie, personne ne peut fuir la mort. J’aimerai être la mort, Otello. J'espère que ta vie en Enfers se révélera comme tu le souhaites, que tu ne regretteras pas la surface.

Posant ses mains sur son crâne, Dorothy glissait ses doigts lentement pour démêler ses cheveux d’un geste mécanique

-Même si tu ne le libéres pas des ombres, il aura un fils aimant. Et peu peuvent se vanter de ça ici. C’est pas stupide, c’est juste toi Otello. C’est pas illogique, c’est toi. Je n’ai eu la prétention d’être logique ni même d’être intelligente. Je pense juste que les gens vivent assez pour savoir ce qu’ils sont. Et si toi, ta place n’est pas auprès de moi, auprès de l’Héméra...Alors...je…

Reniflant ses larmes, les laissant couler au fond de sa gorge comme un venin qu’elle ne peut plus délecter :

-Je ne pourrai jamais m’entendre avec Ludmila comme avant. Je ne pourrai jamais être comme avant. J’aime Ludmila comme avant, mais que doit-on sacrifier pour recréer le passé ?  J’ai juste peur de disparaître et de m’effacer, la haine de Ludmila est mieux que son indifférence.